Nous avons lu les programmes des candidats à la présidentielle afin d’analyser leurs propositions concernant le handicap. Nous publions deux articles. Le premier concerne les programmes des candidats crédités de plus de 10% d’intention de vote par les sondages. Le second, qui concerne les autres candidats, est disponible ici.
François Fillon
François Fillon a présenté dès la primaire une double-page de propositions concernant le handicap qu’il a ensuite confirmées dans son programme présidentiel. Certaines propositions sont relativement originales : par exemple, « développer le baluchonnage » (intervention d’une tierce-personne à domicile pour permettre aux aidants de prendre du répit). François Fillon affirme dans une interview à Handicap.fr qu’il veut mettre en œuvre une politique volontariste, une véritable volonté réformatrice. Et en effet, certaines propositions sont volontaristes : « imposer les recommandations de la HAS aux CMP et aux CRA pour la prise en charge de l’autisme », « améliorer le fonctionnement des MDPH ». Cependant rien n’est dit des moyens pour y arriver en pratique. Certaines propositions paraissent néanmoins manquer d’ambition. Par exemple, concernant la scolarisation, il promet, sans plus de précisions, de « favoriser l’accueil des élèves en situation de handicap ». Concernant les auxiliaires de vie scolaire (AVS), il est question seulement de renforcer leur formation. Alors même que des milliers d’enfants sont privés d’AVS, il ne semble pas prévu d’en recruter davantage ni de pérenniser leurs postes. François Fillon s’engage, dans son programme, sur l’accessibilité mais il faut rappeler qu’il avait, il y a un an, qualifié les normes relatives à l’accessibilité, d’«absurdité ».
Benoît Hamon
Lors de la parution initiale de notre article, le 12 mars, dans le programme de Benoît Hamon, présenté pour la primaire, une seule mesure concernait spécifiquement le handicap : comme François Fillon, Benoît Hamon s’engage sur la formation des AVS mais aussi sur un effectif « suffisant » d’AVS. Pour le reste, il semblait, jusqu’au 15 mars, que Benoît Hamon s’était beaucoup moins intéressé au sujet de handicap que les autres candidats : contrairement à la quasi-totalité des candidats aux primaires (de la droite comme de la gauche), il n’avait pas répondu à l’interview d’Handicap.fr. Sa porte-parole avait, sur VivreFM entre les 2 tours de la primaire, promis une réponse. Nous l’attendons encore.
@ToupiAsso je me renseigne
— Hella Kribi-Romdhane (@HellaKR) 21 février 2017
Un groupe de 16 personnalités ayant interpelé les candidats sur le sujet du handicap, Benoît Hamon a répondu le 15 mars dans une lettre ouverte aux personnes en situation de handicap et a enfin détaillé ses propositions qu’il précisé encore davantage le 24 mars en publiant son programme handicap (10 pages). On peut y noter de vrais engagements chiffrés, ce qui va plus loin que la plupart des autres candidats. Concernant la scolarisation, il s’engage à accélérer fortement le rythme de créations de postes d’AESH : alors qu’il était prévu de transformer environ 10.000 contrats aidés (CUI) par an en postes d’AESH un peu plus pérennes, il propose de créer, dès la rentrée 2017, 60.000 postes d’AESH. Il indique que l’accompagnement sera étendu aux temps périscolaires et extra-scolaires. Il promet aussi de réduire l’effectif des classes fréquentées par des élèves handicapés. Concernant les places en établissement, il s’engage sur un budget de 180 M€ pour mettre fin à l’exil en Belgique. En pratique, ce sont 6000 personnes qui sont exilés en Belgique et il faudrait probablement plutôt 360 M€ (sans compter les 47.000 personnes handicapées sans solution à la maison). Benoît Hamon promet également une hausse de 10% de l’AAH (comme Emmanuel Macron). Concernant les aidants, il promet que la PCH ne sera plus imposable. Les autres propositions relèvent plutôt d’engagements de principe, qui restent à préciser : sur l’accessibilité, le logement, l’accès à l’emploi. Il faut noter par ailleurs que la proposition de Revenu Universel de Benoît Hamon aura certainement des conséquences sur les personnes handicapées. Benoît Hamon a indiqué qu’il ne se substituerait pas à l’AAH mais il ne s’y ajoutera pas non plus. De plus, il reste des inconnues sur la manière dont il s’articulera avec la PCH ou l’AEEH. Cela peut être à l’avantage des personnes handicapées (par exemple, en mettant fin à la complexité des aides qui aboutit à des erreurs comme dans le cas de la PCH enfant indument comptée par certaines CAF dans les ressources au titre du RSA). Ou cela peut être à leur désavantage s’il vient se substituer à certaines prestations dédiées au handicap.
Marine Le Pen
Le programme de Marine Le Pen s’est adouci et lissé ces derniers mois. Jusqu’en janvier 2017, le discours du Front National était dans sa veine habituelle : cliver en prétendant par exemple que l’aide aux personnes handicapées est restreinte à cause de l’immigration. Il était également assez clair que le Front National développait une vision assez peu inclusive de la société. Il était question par exemple d’ « exercer un contrôle sur les modalités d’acceptation » à l’école et dans les activités périscolaires. Le programme de Marine Le Pen pour 2017, toiletté, est beaucoup plus présentable : revalorisation de l’AAH, déclarations d’intentions similaires à celles de François Fillon sur l’amélioration du fonctionnement des MDPH, la prise en charge de l’autisme, l’accès à l’emploi. La thématique de la scolarisation est purement et simplement gommée, ce qui évite d’afficher trop ouvertement des penchants à la ségrégation.
Emmanuel Macron
Emmanuel Macron liste dans son programme 28 propositions concernant le handicap. Certaines sont très engageantes, comme la revalorisation de l’AAH au-delà de 900 € par mois. D’autres relèvent davantage de la déclaration d’intention et ne sont pas très précises comme lorsqu’il promet (comme Benoît Hamon) de « donner accès à un(e) auxiliaire de vie scolaire à tous les enfants en situation de handicap qui en ont besoin pour avoir une scolarité comme les autres ». On aurait aimé que cette promesse soit quantifiée en termes de postes, de budget, de pérennisation des contrats des AVS. Certaines idées sont intéressantes mais on entrevoit déjà les écueils dans leur mise en oeuvre : instaurer « des évaluations systématiques de la satisfaction des usagers dans les établissements médico-sociaux » sera un chantier des plus délicats mais nous l’appelons vivement de nos vœux. D’autres propositions enfin n’en sont pas vraiment : le don de RTT entre collègues existe déjà, la prise en compte de la situation des aidants dans l’âge de départ à la retraite est déjà prévue par la loi et il est heureux que la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron ne prévoie pas de revenir sur ces dispositions. Emmanuel Macron propose par ailleurs d’augmenter la CSG. Ceci pèsera sur les bénéficiaires de la Prestation de Compensation du Handicap lorsqu’elle est perçue en tant qu’aidant familial car elle est déjà injustement assujettie à l’impôt et à la CSG-CRDS, malgré son montant déjà très faible (50% ou 75% du SMIC selon les cas). Dans son discours, en tout cas, Emmanuel Macron, affiche une vision résolument inclusive de la société et il est l’un des rares candidats qui s’exprime sur le sujet du handicap lors d’un de ses meetings.
Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon propose 4 mesures pour le handicap, sur l’accessibilité, les AVS (titulariser les accompagnants), l’augmentation de l’AAH au niveau du SMIC et la pérennisation des moyens des fonds d’insertion professionnelle. Le handicap est indéniablement un sujet auquel Jean-Luc Mélenchon porte de l’intérêt, comme en témoigne sa présence lors d’une réunion organisée par l’ANPIHM en février. Toutefois certains Twittos notent encore, à ce moment-là, une certaine maladresse et une certaine méconnaissance (même s’il entreprend de la combler).
J’apprends que vous l’apprenez. Pourtant cette nouvelle date un peu. pic.twitter.com/HV8mzrKfy1
— Elisa ROJAS (@elisarojasm) 11 février 2017
Je veux vivre dans 1 monde où… 1/ Les responsables politique de gauche ont une analyse politique de la question du handicap pic.twitter.com/kX0dgsvQTN
— Elisa ROJAS (@elisarojasm) 11 février 2017
Rappelons aussi que, concernant l’autisme, le Front de Gauche est historiquement opposé aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé (HAS). Il avait été ainsi signataire de la pétition du Collectif des 39 contre les recommandations de la HAS. Le rapporteur du livret handicap de la France Insoumise nous a toutefois précisé que la France Insoumise n’était pas dans la ligne de l’ex-Front de Gauche sur ce point et que “la position de la France Insoumise est d’un respect total aux recommandations de la HAS”. La France Insoumise a en effet publié un livret handicap le 2 avril 2017 mais la position par rapport aux recommandations de la HAS relative à l’autisme n’y est pas clairement exprimée. Le respect des recommandations de la HAS n’y est mentionné que pour ce qui concerne le respect de “règles strictes de bientraitance” dans les établissements. Le livret handicap introduit par ailleurs plusieurs propositions nouvelles et s’il serait difficile de les résumer toutes, mentionnons celles-ci (qui sont très différenciantes par rapport aux autres candidats) :
- revalorisation des tarifs horaires de la Prestation de Compensation du Handicap
- prise en charge par la Sécurité Sociale des frais de psychomotricité, ergothérapie et psychologue
- prendre en compte l’inclusion individuelle des élèves d’ULIS dans les effectifs des classes ordinaires
Mise à jour le 15/03/2017 à 14h45 : intégration d’une précision de l’équipe de Jean-Luc Mélenchon concernant leur position sur les recommandations de la HAS Mise à jour le 18/03/2017 à 12h00 : intégration des propositions de Benoît Hamon publiées le 15 mars Mise à jour le 25/03/2017 à 14h15 : intégration des propositions détaillées de Benoît Hamon publiée le 24 mars Mise à jour le 02/04/2017 à 15h : ajout des propositions de Jean-Luc Mélenchon dans son “livret handicap”