Mesdames et Messieurs les députés,
Vous nous aviez fait la confiance de recevoir la présidente de notre association TouPI, Odile de Vismes, à l’occasion de votre commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés. Nous vous y avions parlé du parcours du combattant que vivent les parents d’élèves handicapés, de ces élèves handicapés qui sont parfois scolarisés seulement une heure par jour.
Demain, vous examinerez le projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». L’article 21 qui vous y est proposé par le gouvernement entend soumettre l’instruction en famille à autorisation. Mais quel est le sens de cet article ? Forcer des familles dont on refuse l’enfant plus d’une heure par jour à l’école à accepter, sans alternative possible, cet ersatz de scolarisation ?
Jusqu’à présent, ces familles avaient au moins le choix d’instruire leurs enfants en famille. Il leur suffisait pour cela d’une simple déclaration, dans les 8 jours après leur départ de l’école. Si vous votez l’article 21, vous obligerez les parents d’élèves handicapés à se plier à une procédure qui prendra probablement 9 mois. Aujourd’hui, il faut au moins 9 mois pour obtenir un accompagnement par une aide humaine à la scolarisation ou une orientation vers un dispositif spécialisé. N’en doutons pas, il en sera de même pour obtenir une autorisation d’instruire son enfant en famille.
En effet, les services de l’Education Nationale exigeront un avis de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), comme elle l’exige pour l’inscription au CNED réglementé. La MDPH demandera une réunion d’équipe de suivi de scolarisation. Il faudra 2 mois pour organiser cette réunion, puis 3 à 6 mois à la MDPH pour se prononcer, puis encore 2 mois pour que les services de l’Education Nationale répondent … s’ils répondent. En l’absence de réponse ou en cas de refus, les parents devront faire un recours administratif et attendre 2 mois puis saisir le tribunal qui mettra 3 à 6 mois à statuer. Peut-être que la décision définitive arrivera ainsi au bout de 20 mois.
De fait, le droit d’instruire en famille ne sera pas effectif. Les parents ne pourront plus avoir cette liberté puisqu’elle sera administrativement impossible à mettre en œuvre. Priver ainsi les parents de la liberté d’instruire en famille nous semble une atteinte grave à leurs droits au regard de la Constitution, notamment la liberté d’instruction garantie par la Constitution.
Et quelle humiliation ! Quelle vexation supplémentaire va-t-on faire subir aux parents d’enfants handicapés qui non seulement voient leurs enfants rejetés des établissements scolaires mais devront aussi quémander une autorisation pour instruire à domicile leurs enfants dont l’école ne veut pas ! Quid des parents sommés de garder leur enfant à la maison parce qu’aucune AESH n’a été recrutée ? Seront-ils hors la loi ?
Puisque le handicap est, dans l’article 21 du projet de loi, un motif légitime pour instruire son enfant en famille, nous vous demandons d’amender cet article pour qu’en cas de handicap, une simple déclaration dans les 8 jours suffise, comme aujourd’hui. A défaut, s’il devait y avoir autorisation, nous demandons que le silence des services de l’Education Nationale après 15 jours vaille accord.
Nous espérons que vous saurez prendre en compte les préoccupations des parents d’élèves handicapés que nous représentons et nous serions heureux d’avoir un échange téléphonique avec vous pour vous faire part de l’expérience d’instruction en famille de nos adhérents.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs les Députés, nos salutations les meilleures.
Marion Aubry
Vice-Présidente de TouPI