Signalements et placements abusifs : lettre au gouvernement

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A l’appel du collectif Egalited, nous avons envoyé à plusieurs cabinets ministériels un courrier pour les alerter sur les signalements et placements abusifs qui touchent en particulier les familles ayant des enfants en situation de handicap.

 

Notre lettre ouverte au gouvernement :

 

TouPI est une association d’entraide pour les familles ayant des enfants en situation de handicap cognitif ou mental. Nous vous écrivons pour vous alerter sur la situation de nombreuses familles qui ont fait l’objet d’informations préoccupantes non fondées, voire d’une décision de placement de leurs enfants injustifiée.

En 2013, l’Ordre des Médecins de Paris s’alarmait déjà de la hausse inquiétante du nombre d’informations préoccupantes (+130% en 6 ans).

En France, 136.000 enfants faisaient l’objet d’un placement en 2011 (cf. rapport de l’ONED 2014 – p.102) alors qu’en Italie, pays de population comparable, seuls 30.000 enfants sont placés (cf. rapport de SOS Villages d’Enfants – p.19), ce qui nous interroge sur le bien-fondé d’une grande partie des placements en France. Pierre Naves, ex-inspecteur de l’IGAS, avait lui-même reconnu, en 2012, que probablement la moitié des placements en France n’avaient pas lieu d’être.

Les familles ayant des enfants handicapés nous semblent particulièrement exposées à ces dérives et victimes d’informations préoccupantes et/ou de placements abusifs. Nous le constatons parmi les familles que nous suivons. Parmi les motifs injustifiés qui conduisent à des informations préoccupantes, nous avons pu voir, par exemple, les situations suivantes :

  • famille en recherche de diagnostic dont les démarches sont perçues comme inquiétantes par un centre de soin incapable de faire un bilan diagnostique mais qui reproche à la famille son errance diagnostique (alors que l’enfant recevra ultérieurement un diagnostic d’un centre expert)
  • famille qui ne souhaite pas accepter la recommandation d’orientation en établissement suggérée par l’équipe éducative et qui se voit reprocher un « défaut de soin »

Nous avons appris que vendredi dernier, encore, une mère de trois enfants a reçu une décision de placement, suite à une procédure de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Les associations qui suivent cette famille nous ont indiqué que les services de l’ASE et le pédopsychiatre nommé par la justice reprochent à cette mère de mener une démarche diagnostique pour comprendre les difficultés de ses enfants, qu’elle pense être porteurs d’une forme de Trouble du Spectre Autistique. Selon ces associations, l’intuition de la mère se trouverait pourtant confirmée par des diagnostics préliminaires, en cours d’approfondissement, établis par un pédopsychiatre en libéral.

Le pédopsychiatre référent du tribunal, lui, affirme que les troubles des enfants seraient induits par la mère, un cas de « Münchhausen par procuration » selon lui. Ce diagnostic, qui est largement remis en question par la communauté scientifique mondiale, ne manque pas de nous interpeller. Ainsi, le Parlement Européen a eu à connaître une affaire similaire en Allemagne et a épinglé le Jugendamt (équivalent de l’ASE en Allemagne) pour un ensemble d’affaires similaires de retraits d’enfants injustifiés, incluant entre autres un cas allégué de Syndrome de Münchhausen par Procuration : « La mère a été accusée de souffrir du syndrome de Münchausen par procuration, bien que les médecins aient prouvé la maladie de ses deux fils (maladie cœliaque et épilepsie). Les enfants ont pu regagner leur famille après deux années de procédures difficiles. » (cf. p.7)

La décision « de justice » qui nous inquiète aujourd’hui retire à la mère ses trois enfants, et, si le lieu du placement n’est pas encore connu, la fratrie sera probablement séparée. La mère ne disposera que d’un droit de visite de 1 heure par quinzaine, supervisé.

De plus, les associations qui suivent la famille nous ont indiqué que le tribunal, à la demande de l’ASE, impose un arrêt de tous les traitements en cours, pourtant prescrits par un médecin, et l’arrêt du soutien scolaire par AVS des enfants, pourtant notifié par la MDPH.

Nous ne pouvons que nous alarmer des conséquences que pourraient avoir ces décisions sur la santé des enfants et sur celle de la mère, alors même qu’un rapport récent alertait sur le devenir des enfants ayant fait l’objet d’un placement. Comme l’exposait ce rapport de l’ONED de 2010, « les enfants placés connaissent davantage d’échecs scolaires, de tentatives de suicide et d’états dépressifs », « les personnes ayant connu le placement se trouvent sur-représentées parmi les populations sans domicile (…) ou parmi les personnes en situation de précarité s’adressant aux services d’action sociale (…) et l’on peut craindre à l’âge adulte des troubles de l’attachement, des relations instables, de la défiance envers les autres adultes ou institutions, une vulnérabilité plus grande en termes de santé notamment. » (p.4)

Nous observons que bien souvent, dans ces affaires, les familles sont privées de leur droit élémentaire à une procédure contradictoire, les rapports des services sociaux et des experts étant bien souvent produits très peu de temps avant l’audience, ne laissant aucune possibilité aux familles de se défendre.

Ceci conduit à des décisions hâtives de placement lorsque les symptômes d’une maladie avérée sont interprétés à tort comme des signes de maltraitance, par exemple dans des cas de maladie des os de verre ou dans le cas de cette maladie génétique rare provoquant l’apparition spontanée d’hématomes.

Dans ce contexte, nous espérons que le gouvernement voudra bien engager la profonde réforme de l’aide sociale à l’enfance que réclament depuis des années des associations comme le Comité CEDIF ou Violette Justice.

  

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