La loi pour une école de la confiance a été définitivement votée par le parlement et devrait être promulguée dans le courant de l’été. Décryptage des nouveautés pour les élèves handicapés.
Instruction obligatoire à 3 ans
L’article 11 de la loi rend l’instruction obligatoire à 3 ans. Cela est intéressant pour les élèves de maternelle qui ont une notification d’accompagnement par une aide humaine (AESH). En effet, jusque-là, si l’AESH n’était pas présente à la rentrée, il n’était pas possible de faire un référé liberté et d’avoir une audience en 48 heures car le juge administratif estimait qu’il n’y avait pas atteinte au droit à l’éducation, l’instruction n’étant obligatoire qu’à partir de 6 ans. Il fallait donc mettre en demeure l’inspection d’académie et attendre 2 mois avant de pouvoir saisir le juge (référé-suspension).
Avec l’instruction obligatoire à 3 ans, il sera désormais possible d’envisager un référé-liberté avec une audience en 48 heures.
Un ensemble de mesures concernant plus particulièrement les élèves handicapés sont regroupées dans l’article 25. Sans être exhaustifs, nous résumons ici les mesures principales.
Une composition des équipes de suivi de la scolarisation qui inclut les AESH
La loi prévoyait déjà que « participent à l’équipe de suivi de la scolarisation l’ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation ». Pour lever toute ambiguïté, la loi Blanquer précise que les AESH font partie de l’équipe de suivi de la scolarisation en complétant l’article L112-2-1 du code de l’Education :
« Ces équipes comprennent l’ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation et en particulier le ou les enseignants qui ont en charge l’enfant ou l’adolescent ainsi que les personnes chargées de l’aide individuelle ou mutualisée prescrite par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du même code. Le représentant de la collectivité territoriale compétente peut y être associé. »
Rôle de l’enseignant référent
Le rôle de l’enseignant référent est ainsi précisé :
« L’enseignant référent qui coordonne les équipes de suivi de la scolarisation est l’interlocuteur des familles pour la mise en place du projet personnalisé de scolarisation. »
Comptabilisation des effectifs d’ULIS
Les élèves d’ULIS seront comptés dans l’effectif des classes ordinaires. C’était une demande de longue date des associations. En effet, pour que les élèves scolarisés en ULIS puissent suivre certaines matières en classe ordinaire dans de bonnes conditions, il est nécessaire que ces classes ordinaires ne se retrouvent pas en sureffectif lorsque les élèves de l’ULIS viennent dans ces cours.
Cette mesure permettra donc de faciliter la mise en place de temps d’inclusion des élèves d’ULIS en classe ordinaire, et conduira, le cas échéant, à des ouvertures de classes si l’effectif par classe était trop important.
Précision sur les missions de l’AESH dans les notifications de la MDPH
Lorsque la MDPH notifie l’attribution d’une aide humaine à la scolarisation, elle devra préciser les activités principales de l’AESH.
Il est à noter que si les MDPH élaboraient réellement les Projets Personnalisés de Scolarisation (PPS), comme la loi le prescrit, selon le format de l’arrêté de 2015, cela devrait déjà être le cas. Il semble que cet ajout ne fait que pallier l’absence de PPS dans la plupart des départements.
Officialisation des PIAL
La loi Blanquer officialise la création des PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés) :
« Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont créés dans chaque département. Ils ont pour objet la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat. Ils constituent des pôles ressources à destination de la communauté éducative ; ils associent à cet effet des professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et services médico-sociaux mentionnés aux 2° et 3° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie. »
Même sans ajout de cette disposition, les PIAL auraient vu le jour. Il est prévu à la rentrée 2019 des PIAL dans 300 circonscriptions du 1er degré, 2000 collèges avec ULIS et 250 lycées professionnels avec ULIS (cf. vademecum PIAL)
L’objectif affiché est d’“apporter de la souplesse dans l’organisation de l’accompagnement humain pour les écoles et les établissements scolaires.” (cf. circulaire de rentrée 2019 – école inclusive, 5 juin 2019)
En pratique, nous craignons, comme d’autres associations, que cette organisation conduise à une mutualisation accrue des AESH, voire à l’affectation d’AESH à des élèves sans notification MDPH, les PIAL étant libres de gérer les affectations sans réel contrôle. On observait déjà cette dérive qui consistait à priver certains élèves de l’AESH qui leur avait été notifiée pour l’affecter à d’autres sans notification et les PIAL pourraient l’accroître.
A ce stade, nous n’observons pas un basculement massif vers de l’aide humaine mutualisée, en tout cas pas dans les notifications MDPH, comme le montre notre sondage de juin :
Comme certaines inspections d’académie évoquaient un objectif de 80% d’accompagnements mutualisés, il était à craindre une forte évolution mais elle n’a pas (encore ?) eu lieu. Cependant il faudra être très vigilant au respect des notifications MDPH par les inspections d’académie, notamment en ce qui concerne le nombre d’heures effectif d’accompagnement individuel.
Il est également à craindre que la continuité de l’accompagnement soit mise à mal. Il est en effet souvent indiqué, dans les documents d’information sur les PIAL diffusés par les académies, que les élèves avec notification d’aide humaine individuelle pourront être accompagnés par plusieurs AESH sur la semaine, voire par différentes AESH au fil de l’année, selon l’évolution des besoins des élèves au sein du PIAL, et les nouvelles notifications.
Rencontre avec l’AESH avant la rentrée ou avant sa prise de poste
Un nouvel article prévoit désormais d’organiser une réunion entre les parents, l’enseignant, et l’AESH avant la rentrée ou avant la prise de poste de l’AESH :
« Les parents ou les représentants légaux de l’enfant ou de l’adolescent en situation de handicap bénéficient d’un entretien avec le ou les enseignants qui en ont la charge ainsi qu’avec la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Cet entretien a lieu préalablement à la rentrée scolaire ou, le cas échéant, au moment de la prise de fonction de la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Il porte sur les modalités de mise en œuvre des adaptations et aménagements pédagogiques préconisés dans le projet personnalisé de scolarisation prévu à l’article L. 112-2 »
Nous conseillons fortement aux parents de saisir cette opportunité qui leur permettra de donner à l’AESH et à l’enseignant toutes les informations qu’ils jugent utile de leur transmettre pour que la scolarisation de leur enfant se passe au mieux.
A noter que pour la rentrée 2019, la circulaire prévoit plus de souplesse que la loi sur la date de tenue de cette réunion (sans doute parce que la loi vient à peine d’être votée), puisqu’il est indiqué que c’est « dès la pré-rentrée quand c’est possible, et dans tous les cas, avant les congés d’automne » que cette réunion sera organisée.
Recrutement d’accompagnement pour des temps autres que les temps scolaires
Le besoin de continuité d’accompagnement de certains élèves sur les temps périscolaires et extra-scolaires est une demande récurrente des associations de parents. Depuis des années (cf. rapport Komitès en 2013), il est préconisé de créer un employeur unique (de type Groupement d’Intérêt Public).
Ce projet n’a toujours pas avancé et la loi Blanquer se contente, modestement, d’ajouter une disposition disant que « l’autorité compétente de l’Etat en matière d’éducation et les collectivités territoriales peuvent s’associer par convention en vue du recrutement commun d’accompagnants des élèves en situation de handicap. »
La mairie et l’inspection d’académie peuvent donc être co-employeurs d’un accompagnant, mais c’était déjà possible, et cela se pratique déjà dans certaines académies.
Renforcement de la formation et de la supervision des AESH
La loi Blanquer prévoit de créer un référentiel de formation continue pour les AESH. Ce référentiel reste encore, à ce stade, à définir par arrêté.
De plus, le temps de formation continue prévu pour le développement professionnel n’est pas défini. Seul le temps de formation d’adaptation à l’emploi pour les AESH non diplômées est quantifié et il est seulement de 60 heures (cf. circulaire sur le cadre de gestion des personnels exerçant des missions d’AESH du 5 juin 2019).
La loi Blanquer prévoit aussi de désigner des AESH référents « chargés de fournir à d’autres accompagnants des élèves en situation de handicap un appui dans leurs missions auprès des élèves en situation de handicap ». Ces missions existent déjà dans certaines académies (exemple : AESH tuteurs à Paris) et permettent de faire monter en compétence les AESH en les faisant profiter des compétences d’AESH plus expérimentés. La généralisation de ces initiatives est, selon nous, une bonne chose.