Mise à jour : l’article de loi instaurant les PIAL a été censuré par le Conseil Constitutionnel. Les PIAL ne verront donc pas le jour à la rentrée 2024 et la MDPH reste décisionnaire sur l’attribution du nombre d’heures d’accompagnement par une AESH individuelle.
L’article 53 du projet de loi de finances pour 2024 entend créer des Pôles d’Appui à la Scolarité (PAS). Ces PAS (remplaçant les PIAL) auraient pour rôle d’apporter des réponses de premier niveau aux élèves à besoins éducatifs particuliers (adaptations pédagogiques, octroi d’un ordinateur, voire « intervention de personnel de l’Education nationale en renfort »).
La forme, et le fond
Sur la forme, nous ne comprenons pas le lien entre cet article et l’objet d’un projet de loi de finances. Cet article a toutes les caractéristiques d’un cavalier budgétaire (article de loi portant sur des mesures qui n’ont rien à voir avec le sujet dont traite le projet de loi de finances). Logiquement, le Conseil Constitutionnel devrait censurer un tel article.
Sur le fond :
– Le Pôle d’Appui à la Scolarité peut mettre en place des interventions de « personnels de l’éducation nationale en renfort » pour les élèves dits « à besoins éducatifs particuliers » : est-ce que cela signifie qu’il peut affecter une AESH à un élève sans décision de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) ? Dans ce cas, il est à craindre que cela réduira les moyens dédiés aux élèves reconnus handicapés.
– La MDPH semble garder un rôle dans l’octroi d’une aide humaine, mais c’est le Pôle d’Appui à la Scolarité qui définit le nombre d’heures d’accompagnement. Si un élève a besoin d’une aide individuelle à la scolarisation 24h par semaine et que le Pôle d’Appui à la Scolarité accorde 12h, les recours seront limités. Les familles ne pourront en effet plus faire valoir une décision opposable de la MDPH attribuant un nombre d’heures d’accompagnement par un AESH (Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap). Nous craignons que l’Education Nationale, devenue seule décisionnaire du temps d’accompagnement, fasse le choix de réduire fortement l’accompagnement des élèves handicapés ayant les besoins les plus importants, pour les pousser hors du système scolaire.
– Il est prévu un mécanisme de recours si le Pôle d’Appui à la Scolarité contrevient aux décisions de la MDPH. Une commission de recours serait créée, ce qui veut dire, d’une part, que le législateur part du principe que le Pôle d’Appui à la Scolarité peut contrevenir aux décisions des MDPH (ce qui vide de leur substance les décisions des MDPH). Et d’autre part, que les recours se complexifieront d’une étape supplémentaire : pourra-t-on encore saisir le tribunal d’un référé liberté 48 heures en l’absence d’AESH ?
Il est à noter que la commission prévue pour ces recours ne comprendra aucun représentant de parent d’élèves.
Nous notons toutefois qu’il peut être utile que le Pôle d’Appui à la Scolarité puisse définir des adaptations pédagogiques ou mettre à disposition du matériel pédagogique adapté (ordinateur) sans attendre une décision de la MDPH. Cela permettrait peut-être de gagner du temps (si toutefois les Pôles d’Appui à la Scolarité sont suffisamment réactifs et agiles).
Quel rôle pour les CDAPH ?
Mais nous ne savons pas dans quelle mesure le gouvernement prévoit ou non de modifier les dispositions réglementaires relatives au Projet Personnalisé de Scolarisation et si les MDPH verront disparaître toutes leurs prérogatives en matière d’élaboration du PPS. Toutes les dispositions qui définissent l’élaboration du PPS sont d’ordre réglementaire (notamment les articles D351-5 à D351-8 et D351-10 du Code de l’Education ainsi que l’article R146-20 du Code de l’Action Sociale et des Familles). L’article D351-16-1 du Code de l’Education dispose que c’est la CDAPH (commission de la MDPH) qui attribue une aide humaine à la scolarisation dans le cadre du PPS. Mais à nouveau, il s’agit d’une disposition réglementaire qui peut être modifiée par un simple décret du gouvernement. Parmi les décisions qui relèvent du PPS, aujourd’hui élaboré par la MDPH, se trouvent les décisions relatives à l’orientation des élèves handicapés vers des dispositifs spécialisés ou des établissements spécialisées. Est-que demain le gouvernement confiera à l’Education Nationale la décision sur ces orientations ?
Quels moyens humains ?
– Où l’Education Nationale va-t-elle trouver les personnels compétents pour identifier les besoins des élèves ? Elle y prévoit 100 postes de personnels spécialisés (on suppose avec CAPA SH ou CAPPEI) pour 2024. Or, elle ne parvient déjà pas à remplir les postes de coordonnateurs d’ULIS. 3 départements vont tester les PAS dès la rentrée 2024 : 02, 28, 83. Il faudra donc trouver plus de 30 enseignants spécialisés dans chaque département. Pour une fois le budget est prévu, ce sont les personnes compétentes qui vont manquer.
– Même problème pour les personnels médico sociaux (2 par PAS) alors qu’on assiste en ce moment à des fermetures d’IME pour une semaine faute de personnel ?
– Il n’est pas cité un éventuel rôle des médecins scolaires qui pourraient avoir accès à des informations relevant du secret médical. Il est vrai que beaucoup de postes de médecins scolaires sont déjà vacants.
– Si les PAS octroient des MPA (matériel pédagogique adapté), qui va prendre en charge l’apprentissage du clavier et de l’organisation de l’ordinateur habituellement assuré par des ergothérapeutes dont les séances ne sont pas remboursées par l’Assurance Maladie ?