DECT  autisme : droit de réponse 

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La DECT (Démarche d’Evaluation et de Concertation Territoriale) lancée par l’ARSIF et mise en œuvre par le CREAHI et le CRAIF a donné lieu à la réunion de groupes de travail, notamment sur le thème du « tryptique » (repérage – diagnostic – prise en charge précoce). A la lecture des comptes-rendus des deux premières séances, nous souhaitons réagir (cf. compte-rendu de la réunion du 14 mars et compte-rendu de la réunion du 12 avril).

 

Aucune mention des difficultés d’accès au diagnostic dans les CMP, CMPP,  CAMPS

Les familles rapportent de manière récurrente leurs difficultés à obtenir un diagnostic lorsqu’elles s’adressent aux CMP, CMPP et CAMPS :

  • Les CMP, CMPP et CAMSP ne font pas de bilans diagnostiques
  • Ils n’orientent pas vers les centres diagnostiques conventionnés avec le CRAIF

Notre étude de décembre 2014 qui réunissait 20 témoignages avait été communiquée aux maîtres d’œuvre de la DECT. Les focus group familles de la phase 1 de la DECT, auxquels plusieurs membres de notre association avaient participé, avaient soulevé également ces énormes difficultés d’accès au diagnostic.

Malgré cela, les comptes-rendus du groupe de travail font semblant de considérer que le problème est un simple problème de repérage et que, dès lors que les familles sont orientées vers un CAMSP, un  CMP ou un CMPP, elles n’ont aucune difficulté à obtenir un diagnostic.

 

Le refus des outils de repérage qui ont fait l’objet d’une validation scientifique

Concernant les outils de repérage, le compte-rendu mentionne :  «L’existence des études PREAUT qui montreraient des résultats très riches est également mentionnée. Ces études, décrites comme peu connues des instances décisionnaires mais qui commencent à être connues des professionnels, vont au-delà de tests « classiques ». Il s’agit du premier test validé scientifiquement qui permet d’appréhender des signes de troubles du développement de manière aussi précoce. 

Il est intéressant de mentionner que les acteurs du groupe ne font pas référence dans ce contexte à la grille d’évaluation M-CHAT, à laquelle l’HAS fait référence pour la détection des risques de troubles envahissants du développement. »

A notre connaissance, aucune étude ne valide les grilles PREAUT. Et il est inquiétant que le M-CHAT, qui a pourtant fait l’objet d’une validation scientifique, soit récusé par les professionnels.

Nous observons avec inquiétude que l’action 3 du plan autisme qui prévoyait d’inclure des items de repérage de l’autisme dans les carnets de santé est purement et simplement enterrée, pour de mauvaises raisons à notre avis : « Il a notamment été proposé d’inscrire une grille d’évaluation, qui ne soit pas une grille spécifique pour l’autisme mais pour les troubles du développement, dans le carnet santé afin d’aider à la prévention primaire des troubles autistiques, mais aussi en termes de besoins globaux. 

Les professionnels de PMI et PE opposent à cela que cette grille doit être employée avec une grande prudence, car son utilisation par les familles pourrait être très anxiogène.

De plus, il est soulevé que le carnet de santé n’est pas toujours un outil bien renseigné : pour les enfants reçus en CAMSP chez lesquels des troubles sont avérés, il arrive souvent que les examens y apparaissent tous très corrects, ou encore avec des retards notés à l’examen du 9ème mois mais aucune orientation consécutive. »

 

Le refus de se former aux outils diagnostiques et de réaliser des bilans diagnostiques

Les médecins présents, unanimement, refusent catégoriquement de se former et de former leurs équipes aux outils diagnostiques. Dans ce contexte, à quoi serviront les fonds du plan autisme qui doivent irriguer les CAMSP (voire les CMPP) pour les rendre capables de faire des diagnostics ?

Nous sommes éberlués de ce qu’ont exprimé les 16 médecins présents :

« Concernant la formation au diagnostic, l’ensemble des professionnels présents ne jugent pas l’ADI et l’ADOS incontournables. Ils estiment que les équipes de proximité (CMP) ne devraient pas avoir besoin d’être formés à l’ADOS et l’ADI : « En tant que médecin, c’est gênant de dire que le domaine de l’autisme serait celui dans lequel le médecin n’est pas capable de faire un diagnostic sans outil ». Il est rapporté que les ADI « sont faites à longueur de temps, sans avoir besoin d’être formés. C’est ce que font les médecins au quotidien, sans passer par l’ADI ». Les médecins affirment leur capacité d’effectuer des diagnostics cliniques sans systématiquement se référer à ce type d’outils. Les médecins ont des critères diagnostic qui sont ceux des classifications : ils peuvent faire des comptes-rendus d’évaluation et mettre en place des accompagnements. Il est ajouté qu’ADOS et ADI sont des outils créés pour la recherche, non pour la clinique. Ils peuvent être intéressants pour des centres experts, mais on ne devrait pas imposer des outils « verrouillés » pour le diagnostic. »

Le refus des CMP, CAMPS ou CMPP à poser des diagnostics est timidement mentionné :

« Les professionnels du CDEA indiquent que la plupart du temps, les enfants qui arrivent au CDE sont déjà suivis. Parfois les parents s’adressent au CDEA parce que le diagnostic n’a pas été formalisé, verbalisé. L’enfant est déjà suivi mais le mot n’a pas été posé. Il est rare qu’ils aient un écrit, ou même que le mot « autisme » ait été prononcé avec les parents. Un diagnostic clairement verbalisé éviterait un engorgement des CDEA. Les services en charge du diagnostic simple doivent améliorer la verbalisation du diagnostic avec les familles. » 

Faut-il comprendre que l’absence de diagnostic ne résulterait donc pas d’un manque de compétence des équipes de CMP, CAMSP ou CMPP mais d’un refus de « verbaliser » le diagnostic ? Le refus d’accès au diagnostic est donc délibéré ? (les familles doivent souvent se débrouiller par elle-même pour accéder aux CDEA).

 

Nous tenons à faire observer que :

  • Les CMP, dans leur immense majorité, ne savent de toute évidence pas poser de diagnostic comme le soulevait notre étude de 2014. Nous avons donc quelques doutes sur leurs compétences cliniques qui leur permettraient de s’affranchir des outils diagnostiques standardisés. C’est d’ailleurs ce constat qui avait abouti à prévoir, dans le 3ème plan autisme, des budgets pour les CAMPS et les CMPP pour les faire monter en compétence (fiche action 6) et des actions de formation pour les équipes à l’ADOS et à l’ADI (fiche action 4).
  • L’ADOS est un outil qui permet d’objectiver le diagnostic pour la famille comme l’explique ici le Dr Sylvie Torjman

Nous savons qu’il est question d’actualiser les recommandations diagnostiques de 2005. Nous avons donc de très vives inquiétudes si le consensus des médecins s’oriente vers un rejet massif des outils d’évaluation standardisés.

 

Le refus de faire évoluer les prises en charge précoce

Les professionnels présents dans le groupe indiquent que, selon eux, le seul problème actuel dans les prises en charge est l’insuffisance de moyens. Ils estiment qu’un CAMSP ou un CMP doté d’une capacité d’intervention de 20h par semaine serait parfait. Or les hôpitaux de jour ont cette capacité d’intervention mais ne satisfont plus l’immense majorité des familles.

En effet, les familles indiquent bien souvent que les principales insuffisances de ces prises en charge portent sur :

  • L’incapacité de beaucoup de ces structures (hôpital de jour, CAMSP, CMP, CMPP) à apporter aux familles de véritables conseils concrets en matière de stratégies éducatives pour prévenir et gérer les troubles du comportement (méconnaissance des outils d’analyse fonctionnelle des comportements et des outils de structuration visuelle)
  • L’incapacité de beaucoup de ces structures à enseigner à l’enfant et à sa famille les outils de communication alternative quand ils sont nécessaires
  • L’incapacité de beaucoup de ces structures à proposer un accompagnement sur les lieux de vie : ces structures fonctionnent en silo. Elles  n’interviennent quasiment jamais à la maison, pour travailler, en situation, l’autonomie ou le comportement par exemple. Elles ne savent pas non plus intervenir directement en classe, pour soutenir l’équipe éducative, en aidant les enseignants et les AVS par des conseils concrets.

Nous ne partageons donc absolument pas cette affirmation du compte-rendu :

« Le problème de l’information des parents et de la résonnance médiatique quant au type de prises en charges préconisées est soulevé. Lorsqu’un type de prise en charge est mis en avant dans les médias, les parents espèrent massivement pouvoir en bénéficier. Pourtant, certaines thérapies déjà présentes et efficaces sont peu valorisées, ce qui force les professionnels et les services à se plier à la démonstration que ce qui est proposé est également adapté. »

 

Nous regrettons qu’aucune remise en question des professionnels n’ait pu émerger à l’occasion de cette DECT et qu’ils continuent à soutenir, en ignorant tous les retours des familles, que leurs interventions sont parfaitement efficaces.

Nous observons que, lorsque nous avons souhaité recueillir, via un questionnaire, les avis des familles sur les CMP, CAMSP et CMPP de Paris, nous avons reçu une injonction de ne pas le faire pour ne pas braquer les professionnels. Les responsables des structures préfèrent donc affirmer que leurs interventions sont efficaces sans jamais se confronter à l’évaluation qu’en font les familles.

Tout juste admettent-ils : « les professionnels présents relèvent le peu d’éducateurs associés aux dispositifs d’interventions, en dépit de la grande utilité de leur présence au sein des équipes de soin, mais aussi pour les interventions à domicile, dans les crèches (pour lesquelles il n’est pas possible de demander un AVS) et à l’école (en complément des AVS). »

A nouveau, l’accent est mis sur le manque de moyens supposé au lieu de se poser la question de modifier les modes d’intervention : un groupe thérapeutique qui réunit 4 enfants handicapés au CAMSP ne pourrait-il pas être remplacé par une intervention en classe ? Evidemment, cela implique de renouveler fortement les personnels pour être capable de la faire. Mais cela pourrait être fait, à moyens constants, pour peu qu’il y ait une volonté dans ce sens.

 

 

Aucun état des lieux

Nous remarquons enfin qu’aucun état des lieux, structure par structure, n’a été fait. Malgré les fonds importants investis pour réaliser cette DECT (plusieurs centaines de milliers d’Euros), nous ne savons toujours pas quel(s) CMP, CMPP ou CAMSP  à Paris est (sont) capable(s), ou serai(en)t capable(s) après formation et renforcement de ses (leurs) moyens, de réaliser des bilans diagnostiques d’autisme.

Les médecins qui ont participé à cette DECT ont exprimé un rejet massif des outils de repérage (M-CHAT) et des outils diagnostiques standardisés (ADOS, ADI). Ils ont également soutenu qu’il fallait privilégier l’immobilisme dans les modes de prise en charge précoce. Nous sommes donc très pessimistes sur les évolutions à venir et sur l’intérêt de renforcer les moyens de ces structures qui ne souhaitent pas évoluer (ce qui est pourtant prévu par le plan autisme 3).

A quoi bon renforcer leurs moyens puisqu’ils affirment :

  • qu’ils savent déjà poser des diagnostics
  • que s’ils refusent de communiquer le diagnostic, c’est par choix délibéré
  • qu’ils n’ont pas besoin de se former à l’ADOS et à l’ADI

 

Nous observons que les seules propositions formulées dans le compte-rendu de la DECT consistent à empiler des dispositifs supplémentaires d’aiguillage et de coordination : MAIA, structure de coordination, plateformes diagnostiques. Nous sommes plus que réservés sur ces propositions. A quoi servent le CRA, les centres diagnostiques et le maillage des CMP, CAMPS et CMPP s’il faut encore créer des instances administratives supplémentaires ? Ces propositions ne résultent à notre avis que de l’incapacité à reconnaître que l’existant devrait être réformé pour mieux fonctionner.

 

Nous espérons que nos observations seront reprises lors de la conférence de restitution de la DECT.

  

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